

Arthur était un gros chien hirsute avec une fourrure brun foncé, un visage comme celui d’un ours en peluche et de grands yeux bruns doux qui exprimaient souvent une profonde tristesse.
Il vivait avec Marin et son jeune fils, Tim, dans une petite maison de banlieue où les journées étaient remplies de jeux dans la cour, de promenades dans le parc voisin et de querelles amicales pour savoir quel était le meilleur endroit près de la cheminée lors des froides soirées d’hiver.
Arthur adorait Tim. Ils étaient inséparables : compagnons de jeu, de sieste et même de sommeil, car Arthur occupait toujours une partie du lit de Tim, le protégeant fidèlement des monstres qui se cachaient sous son lit.
Le monde d’Arthur était simple et heureux, tournant autour des deux personnes qui l’aimaient inconditionnellement.
Mais, comme souvent, un nuage de tristesse s’est peu à peu levé à l’horizon. Marin, une femme travailleuse et dévouée, avait commencé à parler de « problèmes » au travail.
Le mot « restructuration » résonnait souvent dans ses conversations téléphoniques, et Arthur, avec sa sensibilité aiguë, percevait l’anxiété dans sa voix. Les journées d’école de Tim s’allongeaient, et Marin devait travailler de plus en plus, laissant Arthur seul à la maison pendant des heures.
Le joyeux remue-queue qu’il faisait lorsqu’il entendait la clé dans la porte n’était plus aussi vigoureux ; il avait appris que l’entrée était souvent suivie par Marin parlant doucement au téléphone et Tim allant directement dans sa chambre.
Puis vint le jour où les valises apparurent. De grandes et vieilles valises dont Arthur se souvenait de ses rares vacances. Cette fois, elles n’étaient pas remplies de jouets de plage ou de maillots de bain. Elles étaient remplies de vêtements, de livres et d’autres objets familiers de la maison.
Et puis, Marin commença à ranger les choses dans des cartons. De grandes boîtes en carton, où chaque objet trouvait sa place, se déplaçant des étagères aux tables. Arthur errait à leurs pieds, confus, cherchant une explication avec ses grands yeux.
Ils le caressèrent tous les deux et lui parlèrent à voix basse, sans donner d’explication. Juste : « On va ailleurs, Arthur. Ça ira bien. »
Ces mots n’avaient aucun sens pour lui. Ce qu’il comprenait, c’était le changement. L’odeur de la maison changeait, le rythme de vie aussi. Tim était de moins en moins à la maison, et quand il rentrait, il était silencieux, les yeux rougis. Parfois, Arthur sautait sur le lit de Tim, lui léchait doucement le visage pour essayer de le réconforter, mais Tim se contentait de le serrer fort dans ses bras et de pleurer en silence.
Enfin, le grand jour arriva. La voiture. Une voiture pleine à craquer, avec peu de place pour Arthur. Il monta à l’arrière, la tête posée sur les genoux de Tim. Le voyage fut long, semé d’arrêts et d’interruptions.
À leur arrivée, c’était une autre maison. Une maison vide, sans l’odeur familière de l’ancienne. Aucun de ses objets familiers n’y était. Ni son lit, ni ses gamelles, ni ses jouets. Rien. Juste Marin et Tim, fatigués et tristes, assis sur le sol froid.
Les premiers jours furent un cauchemar. Arthur ne mangeait pas, ne jouait pas. Il restait allongé dans un coin, écoutant les voix étranges et regardant ses deux humains adorés bouger comme des ombres. La nouvelle maison était plus petite, et le jardin n’était qu’une simple dalle de béton.
Les promenades étaient rares et le vieux parc était à des kilomètres. L’absence de la vieille maison, l’odeur familière du jardin et ses amis humains et canins pesaient lourdement sur lui.
Puis, un jour, Marin prit Arthur dans ses bras et s’assit avec lui sur le canapé vide. « Arthur », dit-elle doucement, « on ne peut plus te garder. » Ses mots lui transpercèrent le cœur comme une épée. Il n’en comprit pas le sens exact, mais il en comprit le ton, la profonde tristesse. Il sentit ses larmes sur sa fourrure.
Les jours suivants furent emplis d’une triste attente. Des gens venaient voir Arthur. Certains le caressaient, d’autres lui parlaient, mais aucun ne lui semblait juste. Son regard restait triste, fixé sur la porte, attendant le retour d’une vie qu’il avait perdue.
Jusqu’à ce jour, où une autre voiture, différente de celle qui l’avait amené là, s’arrêta devant la maison. Une femme aux cheveux gris et au regard doux en sortit. Elle parla à Marin à voix basse, et Arthur sentit son cœur battre à un rythme rapide et effrayant. Ça y était. C’était la séparation.
Marin le serra une dernière fois dans ses bras, l’embrassa sur la tête, et Arthur entendit un cri étouffé provenant de la chambre de Tim. La nouvelle femme le fit doucement monter dans sa voiture. Arthur jeta un dernier regard à la maison vide, à la fenêtre où Tim se cachait, puis la voiture démarra.
Il ne savait pas où il allait, mais il sentait un poids immense dans son cœur. Il sentait la dernière odeur de Marin et Tim sur sa vieille chemise que la nouvelle femme avait posée sur ses genoux. L’odeur de la vieille maison, des jours heureux, des souvenirs.
Puis la voiture s’arrêta. La femme le fit sortir et Arthur vit un grand bâtiment, avec de nombreuses cages et de nombreux chiens qui aboyaient et pleuraient. C’était un refuge pour animaux. Elle le conduisit à travers les couloirs, lui parlant à voix basse, mais Arthur n’écoutait pas.
Il ne ressentait qu’un sentiment de perte, d’abandon. On le plaça dans une petite cage, avec une vieille couverture et un bol d’eau. Il s’assit lentement, recroquevillé, les yeux fixés sur la porte, attendant un miracle.
Les jours passèrent. L’un après l’autre. Il mangea peu, dormit beaucoup et rêva du bon vieux temps.
Il voyait Marin rire, Tim le serrer dans ses bras, la cour verte où ils jouaient. Mais ensuite, il se réveillait et se retrouvait dans sa cage, entouré des bruits du refuge.
Sa tristesse était profonde, visible dans ses grands yeux sombres, qui ne perdaient jamais la lueur d’un petit espoir que peut-être, juste peut-être, ils reviendraient le chercher.
Un matin, la porte de sa cage s’ouvrit. Il leva la tête, indifférent. Un homme grand, aux cheveux gris et au sourire chaleureux, s’agenouilla devant lui.
« Bonjour, mon beau », dit l’homme. Arthur ignora la main qui lui était tendue. Il ne voulait pas être touché. Il avait perdu confiance en l’homme. L’homme s’assit lentement et commença à parler doucement, racontant des histoires sur ses propres chiens, sa vie à la ferme, ses enfants devenus grands et le vide qu’ils avaient laissé derrière eux. Arthur écoutait, les yeux rivés au sol.
L’homme vint tous les jours pendant une semaine. Et chaque jour, il s’asseyait près de la cage d’Arthur, parlant doucement, lisant des livres ou simplement assis en silence. Lentement, très lentement, Arthur commença à lever la tête quand l’homme parlait. Puis, un jour, il bougea légèrement quand l’homme lui tendit la main. Et enfin, un matin, alors que l’homme lui parlait de sa voix chaleureuse, Arthur leva la tête et lui toucha la main de son nez froid. L’homme sourit. « C’est bien, Arthur », dit-il. « Un petit pas. »
L’homme emmenait Arthur faire de courtes promenades dans la cour du refuge. Puis, de plus longues promenades. Arthur était toujours triste, mais sa présence, son calme, commençaient à éveiller une petite étincelle de confiance dans son cœur brisé. L’homme n’essayait pas de forcer Arthur à faire quoi que ce soit, il lui offrait simplement sa présence, sa patience.
Un jour, l’homme dit à Marin qu’il voulait prendre Arthur. Marin arriva au refuge en pleurs, serrant Arthur dans ses bras, s’excusant sans cesse. Arthur ressentit sa tristesse, mais il ne réagit plus comme avant. Il était transformé, brisé.
Et puis, le jour du départ arriva. L’homme prit Arthur, et il monta dans la voiture, cette fois, sans jouets, sans son vieux parfum pour le réconforter. Juste une couverture neuve et propre, imprégnée de son odeur. La voiture démarra, et cette fois, pas de larmes ni de désespoir apparent dans les yeux d’Arthur. Il n’y avait qu’un sentiment inconnu, un mélange de peur et… peut-être d’espoir ?
La voiture roula pendant des heures, longeant arbres et champs. Arthur regarda par la fenêtre, observant le nouveau monde défiler devant lui. Puis la voiture s’arrêta sur une longue route de gravier. L’homme sortit et Arthur le suivit.
Devant eux se trouvait une maison. Une vieille ferme, avec une cheminée d’où s’échappait un tourbillon de fumée. Autour de la maison s’étendait un grand champ verdoyant, arboré et fleuri. Arthur sentit une odeur nouvelle, celle de la terre fraîche, celle de l’herbe humide, celle de la liberté. L’homme s’assit sur le porche de la maison, et Arthur s’approcha lentement, regardant autour de lui. Il n’y avait pas de cages. Aucun bruit d’autres chiens.
Il n’y avait que le silence et l’odeur de la terre. Arthur prit une profonde inspiration, laissant fondre une partie du poids qu’il portait en lui. Il suivit l’homme à l’intérieur de la maison, chaleureuse, parfumée de bois et de nourriture. Ce n’était pas comme la vieille maison, mais ce n’était pas non plus comme l’abri.
Les premiers jours à la ferme furent encore tristes. Arthur errait, explorant les vastes champs, assis sous les vieux arbres, regardant l’homme travailler. Il ressentait encore la douleur de la perte, mais il commençait à ressentir un certain calme. L’homme ne le forçait à rien. Il lui parlait doucement, le nourrissait régulièrement et lui laissait l’espace dont il avait besoin. Un
après-midi, Arthur était allongé dans le champ, regardant les nuages passer.
Il sentit le soleil sur son dos, l’odeur de l’herbe dans son nez. Soudain, il sentit une main douce lui toucher la tête. C’était l’homme. Il s’assit à côté de lui, en silence. Arthur leva les yeux et vit l’homme lui sourire. Et pour la première fois depuis longtemps, une minuscule, toute petite, étincelle de lumière apparut dans les yeux d’Arthur. Non pas une étincelle de bonheur, mais une étincelle de reconnaissance, d’acceptation, de paix.
Les semaines se transformèrent en mois. Arthur commença à guérir. Il mangea mieux, joua un peu avec l’homme, chassa les oiseaux dans les champs. Bien qu’il y eût encore des jours où sa tristesse revenait, le calme de la ferme, la présence patiente de l’homme et la liberté infinie des champs l’aidèrent à guérir lentement. Il commença à l’accompagner dans ses longues promenades autour de la ferme, l’aidant à ramasser les œufs, surveillant les moutons.
Et puis, un jour d’été, alors que l’homme travaillait au jardin, Arthur était allongé à côté de lui, profitant du soleil. Il entendit une voiture approcher. C’était le facteur. Arthur leva la tête et l’observa. Mais soudain, il vit quelqu’un d’autre. Un petit garçon blond, qui sortait de la voiture. Il courut vers l’homme en criant : « Grand-père ! Grand-père ! »
Arthur se leva lentement. Le petit garçon le vit. Il s’arrêta, ses grands yeux bleus se fixèrent sur Arthur. Il s’approcha lentement, prudemment, et lui tendit la main. Arthur prit une profonde inspiration. Le parfum familier de l’enfance, celui des jeux, celui de l’amour pur, lui monta aux narines.
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